Je m’en vais dans dix ans

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Je m’en vais où, dans dix ans? Eh bien ma foi, de la vie sur cette planète – non je ne suis pas raelien, je ne vais pas me désincarneret pourquoi dans dix ans? Eh bien cette durée est arbitraire et variera en fonction du grand âge de Kyuubi et de son départ à lui. Je m’estime avoir une responsabilité envers cette boule de poils, qui me le rend en vomis et ronflements au creux de l’oreille. Voilà, c’est écris! Alors non, je ne suis pas un suicidaire fainéant qui planifie son truc, non je ne suis pas dépressif, c’est une réflexion que j’ai depuis bien longtemps et qui, lorsque je l’aborde avec des proches, provoque l’incompréhension. Comme je n’aime guère me répéter – et mes ludovores prendront note de cela – l’idée d’écrire mes pensées caféinées m’est venu sous la douche.

Pourquoi ai-je donc envie de partir? Dans une dizaine d’années, j’aurai dépassé les cinquante ans, j’ai un diabète, mon embolie pulmonaire aura laissée des séquelles, bref, je me délabre lentement et n’ai pas envie d’un coach de vie pour me crier des trucs à l’oreille en agitant bras et jambes – c’est ma vision du coach de vie – mais plus encore, je ne trouve pas ma place dans cette existence. Alors oui, je pourrai partir élever quelques brebis dans les montagnes, me laisser pousser la barbe et ne plus porter que des chemises de bûcheron, mais cela ne m’intéresse pas tant que ça. Je ne trouve pas de sens à ma vie dans cette société, tout simplement.

J’aime créer, avec pleins de matériaux différents, maladroitement et sans trop de compétences, mais j’aime l’acte créatif. J’aime beaucoup écrire, depuis peu créer des jeux, dessiner, j’aimerai me remettre à la sculpture sur pierre. Mais au-delà de ça, nôtre société, d’une violence qui va crescendo envers les rêveurs et celles et ceux qui ne sont rien, me rattrape. Eh oui, aimer créer c’est une chose, mais pour en « vivre », il faut gagner de l’argent, argent immédiatement dépensé dans une foultitude de postes budgétaires, cela tous les mois, toutes les années, toute la vie. Celles et ceux qui me connaissent de près ou de loin savent que j’aime partager, et que je préfère donner plutôt que vendre. J’ai pu constater une sorte de roue karmique au fil des ans, qui fait qu’en étant raccord avec moi-même sur ce sujet, eh bien je reçois également, de la part d’inconnus, des trucs, mais ce sont essentiellement les rencontres qui me plaisent. Alors oui, je pourrai passer encore quelques décades à rencontrer des gens intéressants et à m’extasier de leurs créations ou de leurs excentricités, mais au-delà de ça, il y a ce quotidien gris et terne de l’argent, qui domine tous les autres aspects de la vie, rends de plus en plus de gens tristes et fous, et nous transforme tous en robots, répétant incessamment les mêmes gestes, toute notre vie.

Cette idée de répétition continuelle, elle me terrorise. C’est elle qui m’a fait quitter la fonction publique, après 17 ans de rien. Mais maintenant, en étant à mon compte – et probablement à la rue l’année prochaine – je constate que je ne pourrai pas m’en sortir avec cette fichue répétition. Si jamais j’arrive à vendre mes créations, il faudra que j’en produise d’autres, etc… J’ai déjà eu des retours sur cette réflexion, qui m’ont confortés dans mon opinion de l’être humain civilisé; « Fais un job alimentaire« , « En fait tu t’amuses et tu veux être payé pour ça? » « Trouves-toi un vrai travail« … Je sais que la plupart d’entre vous aurons sûrement le même genre de réflexion, parce que nous avons tous été formaté de la sorte, depuis l’enfance, depuis des générations, je sais que les phrases toute faite comme « vis tes passions » ne servent qu’à faire vendre des paires de chaussures, et je sais d’expérience que l’humain civilisé est bête, mauvais et surtout cruel. Il faut réussir, il faut gagner sa vie, il faut. Moi j’ai juste envie de créer des choses, j’ai envie de rencontrer des gens, leur faire découvrir mes passions, sans avoir besoin d’acheter, ou de comparer des valeurs marchandes. Mais bien entendu, ça coince. Oui, gagner de l’argent pour le dépenser immédiatement et planifier les prochaines factures, tout le monde doit faire ça, sinon on n’est des « rien », comme le dit une pourriture nocive. Alors en attendant je vivote. Et pour être bien clair, contrairement aux apparences, je ne me plains pas, je suis bien entouré, mon cerveau fonctionne, mes doigts à peu près, lorsque je n’arrive pas au « minimum » pour payer mes factures, j’ai des indemnités chômage, je vivote bien, mais finalement tout cela n’a pas beaucoup de sens.

Bon allez, je dois passer voir mon poissonnier qui a un bout coulibiac (pâté en croûte de saumon frais) pour Kyuubi. Les trois pelés et un tondu qui auront lu cette tartine, merci à vous. Je n’attend pas de réponse, ni même de question, et rassurez-vous, jusqu’au bout je vais continuer à créer des trucs, partager des choses et faire des machins. C’est juste que je veux décider moi-même de quand tout ce bazar va s’arrêter.

13 commentaires sur “Je m’en vais dans dix ans

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  1. Triste à entendre… Le gris fait parti de la vie. Il ne faut pas oublier que dans le gris il n’y a pas que du noir. J’ai décidé, il y a plusieurs années, d’aimer le gris. Il y a des journées plus foncées que d’autre ( le paiement des factures entre autre) mais il y d’autre journée ou un simple levée de soleil fait ma journée. Ayant un cerveau très créatif et indiscipliné. Je me bat à tout les jours contre une possible crise d’angoisse basé sur un future (improbable) plus sombre. Et il y a les autres journées où, la vie m’apporte du plaisir, du rire et de la bonne compagnie. En étant nouvellement « officiellement » créateur de jeu de société, j’espère apporter de la joie à des personnes qui vont s’amuser en jouant à un de mes jeux pendant une soirée entre amis ou en famille. J’espère marquer mon passage sur cette terre par le jeu, par un plaisir que je peux « créer ». Où est ta place? Je ne sais pas. Mais je peux te dire que malgré que je suis abonné depuis peu à ton post, tu as déjà marqué « un peu » ma vie en me fessant découvrir des jeux que j’aurai peut-être pas regardé. Le Chateau de Burgundy ou Brudges sont des exemples frappant. Je suis jaloux de voir que tu as la possibilité de jouer plusieurs fois par semaine à des jeux. J’ai pas la chance d’avoir un entourage aussi gamer que moi. Parfois notre place est déjà là, mais c’est nous qui ne la vois pas… J’ai créé mon premier jeu il y a au dessus de 20 ans, mais je ne l’ai pas vu à ce moment comme MA passion et une possible carrière. Si tu as envi de faire plaisir à ceux qui t’aime, dans 10 ans, adopte un autre animal de compagnie, comme-ça tu sauveras 2 vies… Fait attention à toi. Au plaisir de continuer de te lire…

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    1. Et je te souhaite beaucoup de belles rencontres ludiques, ainsi que pleins de sourires autour de tes jeux, accessoirement une pluie d’euros. Je réalise que plus tabou que parler d’argent, parler de la mort provoque de vives réactions, que je peux très bien comprendre, évidemment. Pour ma part, n’ayant aucune attache particulière parmi les humains, je souhaite m’en aller au moment de mon choix, et même si je profite bien de la vie, avec de belles rencontres et de fascinantes et enrichissantes découvertes, le simple fait de subir cette société me rend en même temps malheureux. Je n’ai pas besoin de me faire une place, en fait dans le temps que je me donne, je vais également essayer de rendre des gens heureux à travers mes créations, mais j’avoue que vivre comme je le fais, pendant des décennies, cela me semble démentiel. Merci à toi pour ce nouveau long commentaire!

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  2. J’ai pensé comme toi pendant longtemps, je voulais crever à 38 ans, et je n’avais aucun intérêt à vivre. Ça s’appelle une dépression. Et je vais te dire, je ne suis même pas étonnée que ça t’arrive. Parce que ça fait un moment qu’il y a de très gros changements dans ta vie. On pense que c’est pour le mieux, mais c’est quand même dur à supporter. Si, en plus de ça, tout ne se développe pas comme on veut et qu’on a des soucis de santé, ça met le feu aux poudres, et il devient très difficile d’éteindre la mèche. Seul, c’est impossible, et même les amis, au bout d’un moment, n’arrivent plus à aider. Il faut une aide « pro ». J’ai souffert de dépression pendant douze longues années, ça m’a bouffé ma vie. Je te conseille de demander une aide psy, ou de voir avec ton médecin pour avoir un soutien dans ce « contexte difficile ». Toi tu t’en fous, certes, tu n’as plus rien à attendre. Mais tu sais quoi ? Si tu pars, tu vas faire terriblement souffrir tous ceux qui restent, les gens de la vraie vie et les gens du net. Toi tu n’as peut-être pas « d’attache particulière avec les humains », mais nous, on en a avec toi, on tient à toi, il y a une connexion, et tu ne peux pas décider tout seul de la casser. C’est dégueulasse. Et c’est toi qui seras responsable de ça. Mais pourquoi tu te sacrifierais pour le bien-être des autres ? En fait non, tu ne te sacrifies pas, et si tu fais un effort (un très gros, d’accord), c’est pour toi avant tout. Tu vois, maintenant, je suis heureuse et ça, c’était inimaginable il y a quelques années. Quand je parle à des gens en dépression, je leur dis que je suis un exemple vivant qu’on peut s’en sortir. Bien sûr, ils ne me croient pas. Mais quand je raconte ma galère, ils savent que c’est vrai, que j’ai souffert de cette maladie/de cet état. Et là, une lueur s’allume dans leur regard : c’est donc possible.
    Maintenant, je pense qu’une dépression, c’est un passage. Certains en sortent, d’autres non. Mais c’est un sale moment à passer, un mécanisme que l’être met en place pour se défendre dans l’adversité. Donc pendant un temps, c’est encore pire (et ça, pour moi, ce n’est rien d’autre qu’un immense appel au secours, quand on a l’impression de sombrer). Mais ce n’est qu’un passage, après, ça ira mieux. De consulter un médecin, de demander de l’aide à l’extérieur, ça peut aider à réduire le temps de passage, à le rendre moins désagréable, et moins destructeur. C’est très dur, mais ça vaut le coup. Pour toi, pour nous 🙂
    Je pense que dans une grosse ville comme Bordeaux, tu peux avoir des soignants à pas cher, à tarif « social ». Renseigne-toi, il y a forcément un moyen.
    Et si tu pars, qui va me partager mes articles, hein ? 😉

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    1. Merci pour ce long commentaire Ivy. Bien que je ne sois pas sûrs d’être dépressif, je vais tout de même me pencher sur la question. En fait, j’aime toujours autant de choses et ça me fait plaisir de voir du monde pratiquement tous les jours, je n’ai pas spécialement envie de mourir mais tout ce positif que j’ai la chance d’avoir dans ma vie, et bien entendu vous en faite tous partie (le pas d’attache humaine concernant famille et compagne/ compagnon), tout cela ne compense pas les côtés négatifs que je vois autour de moi. Et surtout, je ne me vois pas vivre comme ça pendant des décennies, c’est surtout cela qui me semble aberrant, et dont je ne vois aucune finalité hormis profité des bonnes choses, mais cela je ne peux pas vraiment l’envisager autrement qu’en ne faisant plus vraiment ce que j’aime (pour gagner plus d’argent). Bref. Tu soulèves un point, je vais donc voir ça.

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  3. J’ai vu le psy pendant douze ans, chaque semaine. Et souvent, il me disait : « Bon, cette semaine, vous n’allumez pas la radio, vous n’écoutez pas les info, vous n’achetez aucun journal ». Du coup, j’ai pris l’habitude… de… disons, de ne plus me laisser affecter par le monde extérieur. Et ça n’allait pas bien, c’est certain, mais finalement, ça allait beaucoup mieux que si ces « info parasites » m’avaient atteinte… Je ne vis pas pour le monde extérieur, ou ce que certains veulent qu’il soit et qui adorent nous angoisser à tout propos. Je vis pour moi, pour Pak, pour les chats, pour toi et tous mes amis, pour la nature, pour faire un bon repas, un bon jeu, etc. Le reste, je m’en fous complètement, ça ne m’affectera pas. Et tu vois, ça doit faire vingt ans que je ne suis plus au courant de rien, et je ne m’en porte pas plus mal 🙂
    Si tu veux discuter de tout ça, par mail, n’hésite pas. Je trouve que tu présentes un schéma dépressif (même si j’espère bien me tromper). S’il ne te bouffe pas complètement, tant mieux, mais il faut rester vigilant et ne pas le laisser gagner du terrain 🙂

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    1. Ok… Je t’avoue que je me suis laissé parasiter par tout le bazar environnant, cela fait plusieurs jours que je me coupe de tout les médias autres que scientifiques et artistiques. Un grand merci à toi Ivy, pour le moment je vais analyser mon cas et demander l’avis de sages personnes, je te tiendrai au courant.

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  4. Eh bien, c’est déroutant de lire cette confession. Je ne te connais qu’a travers ton blog et donc tes passions, ce qui t’anime et te donne de la joie. Je devrais m’en foutre et passer à autre chose, zapper sur un autre blog. Mais c’est con, je peux pas. Le lien s’est créé (a sens unique forcement, puisque je te lis, mais n’écris pas de commentaires) et maintenant qu’il existe, qu’il est fort, je ne pas simplement ignorer tout ça.
    Alors voilà, même si ce n’est pas grand chose de ton coté, tu me touches avec tes articles et je suis peiné de voir que tu ne vas pas bien, comme quand un ami n’est pas au top. (C’est très con je te l’accorde, tu ne sais même pas qui je suis, je ne sais pas vraiment qui tu es, ‘fin bref…). Sache que si l’envie t’en prend, de parler a un inconnu qui te connais qu’un tout petit peu …

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    1. c’est très gentil, mais au final ce n’est pas que je ne vais pas bien, ni même que j’ai envie de mourir. Autant que je pourrai, je vais continuer à créer et partager mes passions avec mes proches comme avec vous autres, mystérieux et mystérieuses internautes, c’est juste que cela me semble démentiel de continuer cette routine, aussi plaisante soit-elle, pendant des années. Parce que tout simplement, les positivistes me sortiront leurs formules toutes prêtes, de mon côté avec mes revenus s’amenuisant pratiquement tous les mois, et mon dégoût de l’argent ne cessant de croître, eh bien dans la réalité, je ne pourrai tout simplement plus vivre du tout, même si je le veux. Alors oui, je peux prendre un job alimentaire, je peux arrêter de vouloir vivre de ma passion et trouver un vrai job, mais j’ai déjà fais ça, cela m’a permis de vivoter à peine mieux, avec en prime ce fameux mal-être existentiel.
      Donc voilà, je vais continuer à être moi, essayer de trouver un moyen de concilier mes passions et une vie supportable dans cette société. J’ignore si j’y parviendrai, mais il est clair que je m’accrocherai pas indéfiniment à des rêves.
      Mais en tout cas merci à toi pour ces mots, ils font parties des belles surprises, encore quotidiennes.

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