Les sept cœurs de Corunarch #0

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Prologue

La tempête aura finalement échappée à tout contrôle. Soulevant la pulvre en nuages masquant jusqu’aux lunes, Ral et Guthay. Un vent puissant aura soufflé de plusieurs directions simultanément, faisant perdre au uagaar So’haruu sa maîtrise des matrices cristallines commandant la propulsion de notre bien trop frêle navire. Trois mois de navigation incertaine, sur une mer de poussière où rôdent bien des dangereuses bêtes, tout cela pour apercevoir enfin la côte déchiquetée, et disparaître dans une tempête anormale. So’haruu est mort, comme les autres membres de l’équipage. J’ai pu ressentir leur vive douleur, lorsqu’ils furent emportés loin sous la surface, suffoquant avant d’être dévorés par les horreurs pulvérulentes. La liste des disparus est longue, nos amis séchéens, qui espéraient s’établir en ces terres oubliées, ont eux aussi péris dans le naufrage. Bien malgré moi cependant, je me réjouis de sentir la vie de mes compagnons palpiter. Le Cercle est toujours complet.

Mon dos cuit sous le rayonnement du soleil sombre. Je suis étendu sur un énorme bloc de roche noire, mes pieds nus disparaissant dans la pulvre. Sous mes doigts engourdis, des vénules forment des motifs que la nature, aussi distordue soit-elle, n’a pu façonner seule. Le silence règne. Bien des légendes entourent cette terre d’où vinrent nos ancêtres, fuyant un fléau si terrible, qu’ils n’emportèrent pratiquement rien avec eux. Nous autres, du Cercle, avons quelques connaissances plus pragmatiques que des contes souvent déformés, mais malgré cela, nous voici dans l’inconnu.

Me redressant péniblement, je laisse se disperser la pulvre emplissant mon vêtement. L’effort pour rallier la côte au jugé m’aura presque été fatal, mais il me faut maintenant retrouver mes compagnons. Le lien avec Athas se fait, il est ici âpre, tel une étreinte rétive. Oaruu est le plus proche, il me sent lui aussi et nous en profitons pour partager nos maigres forces. Bientôt, il faudra trouver de l’eau.

Je me mets en marche, découvrant des ruines troglodytiques, pour le moins les soubassements d’une imposante cité, semble-t-il dévastée par une force incommensurable. Des blocs de roche sombre sont éparpillés sur une vaste zone, émergeant parfois de la mer de pulvre, venant lécher les pieds de colossales statues brisées. Quel formidable tyran régna jadis en ce lieu

Oaruu n’est pas seul lorsque je le rejoins, Aetaa est avec lui, sa main aux doigts délicats posée sur la tête d’une créature sauvage, domestiquée par la volonté de notre amie. Semblable à une fourmi, la bête à la taille d’une monture et ses mandibules s’agitent lentement, et nous sentons tous son inquiétude. Un prédateur rôde non loin. Mes compagnons perçoivent eux aussi la présence de nos frères et sœurs, à l’exception de Iutaa. Sa flamme de vie brûlait pourtant vivement avant que je ne me mette en marche vers l’intérieur des terres, mais ici, entouré de dunes de sable rouge, un vent brûlant faisant claquer l’étoffe de nos vêtements, nous ressentons la même inquiétude soudaine. Aussi dangereux soient les prédateurs sur cette terre inconnue, nul bête ne peut se mesurer à la puissance du Corunarch. C’est donc un danger bien plus préoccupant qui nous aura masqué l’essence vitale de Iutaa, la plus jeune druidesse du Cercle.

Une nuée de créatures ailées et décharnées nous donne l’opportunité d’observer la région depuis les airs. Oaruu, plus habitué que nous à se lier aux bêtes des cieux, repère rapidement la silhouette de notre amie, agenouillée au creux d’une dune, immobile et anormalement scintillante. Aetaa oublie toute prudence et s’élance à sa rencontre. A travers mes pieds, je sens remonter l’imminence d’une menace. Mon cœur réagit comme s’il était doué de sa propre conscience – ce que je soupçonne parfois – animant mon corps d’un élan me faisant bondir par-dessus les dunes. J’atterris sur la tête d’une monstruosité toute en chitine et en crocs, au moment où elle bondit hors d’une dune dans laquelle elle était restée tapie. L’air autour de mon bras se solidifie, mon esprit tempère la puissance élémentaire de mon cœur, et je frappe. L’épaisse carapace atténue l’impact, mais j’ai déjà sauté loin de la créature en train de s’écrouler en mugissant. Le coup a touché son cerveau, suffisamment pour qu’elle puisse se retirer, mais en lui ôtant l’envie de se mesurer à nous.

Mes compagnons observent avec effarement le monstre en train de ramper péniblement vers les ténèbres d’un terrier, déjà en train de se recouvrir de sable. Nous foulons une terre voulant notre mort. Soutenu par eux, mes jambes ne me portant plus, nous rejoignons nos autres amis, rassemblés autour du corps sans vie de Iutaa. Nul questionnement, nul doute sur ce qui a pu provoquer la mort douloureuse de la plus jeune druidesse du Corunarch. Transformée en statue de sel, la poitrine défoncée par des griffes cruelles, son cœur a été emporté. Notre ennemi ancestral a profité du naufrage pour se libérer de sa cage, rejoindre la côte, et aura choisi de restaurer son ancienne puissance en massacrant ses geôliers.

Bien entendu, nulle flamme de vie pour nous orienter dans sa traque, la créature est bien trop rusée. Mais là encore, toute discussion s’avère superflue. Nous sommes les seuls membres du Cercle en ce lieu étrange, il nous incombe de stopper cette menace, avant qu’elle n’accède aux antiques énergies qui façonnèrent son essence, des millénaires auparavant. Nous n’aurons pas même le temps d’accomplir les rituels funéraires pour la jeune Iutaa, il nous faut nous hâter, nous séparer pour couvrir le plus de terrain possible, rattraper la bête et la sceller de nouveau dans le cristal noir.

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